Mars 2000, chez Alain

PAS DE THÈME
Guest star : Mireille Daret

Mâcon-Pierreclos, domaine Guffens, "La Chavigne" 1998
Givry 1er cru "La Sauleraie" de A.Poncey, 1994
Collioure "La Coume Pascole", Domaine de la Rectorie 1995
Tokaji Aszù "Château de Sárospatak", 4 puttonyos, 1989
Cru Barréjats 1996
Château Coutet 1990
Lafaurie-Peyraguey 1988


Les iacchosalpins ont teste pour vous... Mireille [TRES long]


Moins de deux mois auparavant, suite au compte-rendu de notre première dégustation iacchosalpine, nous avons eu la bonne surprise de recevoir un mail d'une certaine Mireille Daret, qui m'engueulait un peu de n'avoir pas plus développé le commentaire sur le Cru Barréjats 95 dégusté ce soir là, et accessoirement qui indiquait qu'elle devait passer par Grenoble en mars, et qu'elle se proposait d'amener des échantillons pour une soirée du même genre. Comme je supporte très bien qu'on critique mes comptes-rendus, j'ai crié quelque chose tellement fort que même moi j'ai pas compris, à part quelque mots que je ne répète pas ici parce que je suis également très poli. Bref, mes alcoolytes iacchosalpins m'ont gentiment assommé, ligoté et ont répondu que oui oui oui, on sait pas encore quand tu viens mais ça tombe bien, on n'avait rien de prévu ce soir là, et que je te fais des courbettes devant l'écran et gnagnagna.

Incidemment, Mireille était donc à Grenoble ce mercredi 23 mars, et nous aussi, ce qui tombe bien il faut le dire, encore que pour nous ça ne soit pas vraiment exceptionnel. On devait décider d'un thème, on hésitait entre faire une soirée liquoreux pour profiter des lumières de notre invitée (il y en a même un qui a proposé "Liquoreux de Bordeaux"), et une soirée sans thème précis en pensant qu'elle en avait peut-être marre des liquoreux, surtout sans peau de bête, sans flambée et devant des inconnus. Les avis étant partagés, on a rien décidé du tout. Du coup ceux qui pensaient aller à une soirée liquoreux ont amené un liquoreux, ceux qui pensaient qu'il n'y avait pas de thème ont amené ce qu'ils
voulaient.
Réfléchissant un peu, je me suis dit que les deux fois précédentes, on s'était donné rendez-vous à huit heures et en fait, on ne s'était retrouvés au complet que vers 20h30 voire plus. Je ne me suis donc pas pressé pour arriver vers 20h10. Ce que j'avais oublié, c'est que la présence de Mireille avait un peu changé les règles. Bref, je suis arrivé bon ernier en ayant peur d'être le premier. Ce soir là il y avait donc :
- Mireille, LA Mireille. On est pas dignes, on est pas dignes. La docte vigneronne (ce qui sonne mieux qu'une praticienne avinée, à mon avis... Et vous avez remarqué que vigneron a un féminin, alors que médecin ou docteur...) elle même. Si vous êtes surpris après les trois paragraphes qui ont précédé... Votre cas n'est pas désespéré, mais... ah si, pardon.
- Alain, le vigneron du dimanche qui nettoie son carrelage au VT de Savoie, et qui nous hébergeait ce soir-là.
- François, pas moi, un autre. Le seul non-iacchossien de la soirée mais on a été sympa, on a fait comme si ça ne se voyait pas. Un ami de Pierre, qui décidément a beaucoup d'amis amateurs de vin, et ils travaillent tous au labo du CEA dirigé par papa Salce, les tests de recrutement là-bas ont l'air plus sympa qu'ailleurs...
- Marc, le héros malheureux de la soirée Côtes du Rhône, venu sans Corinne, décommandée à la dernière minute pas des circonstances indépendantes de sa volonté (et de la nôtre).
- Michael, qui n'a pas parlé de rugby (quatre jours après le 19 mars), et donc qui ne s'est pas fait lyncher, on s'en faisait pourtant une joie...
- Pierre, bien sûr. François serait pas venu tout seul quand même, déjà qu'il est pas sur iacchos.
- Et moi, bien sûr, votre dévoué chroniqueur malgré lui. J'étais pas là depuis cinq minutes qu'Alain m'a collé un papier et un crayon dans les mains, avant de servir la première bouteille. J'ai bien dit AVANT. Il a retardé le moment de boire pour ça. Je sais pas si vous mesurez l'exploit.

En fait on devait être deux de plus, au départ, Mireille devant venir avec une copine non précisée, et Marc devant venir avec une copine précisée, et même épousée. Donc ce n'est pas un retour au machisme, de n'inviter qu'une représentante du beau sexe, c'est juste un malheureux concours de circonstances. On était dans l'appart' d'Alain, ça je l'ai dit. J'ai pas parlé de la déco. Deux bibliothèques avec que des guides, bouquins et magazines sur le vin. L'ameublement fait de caisses de bordeaux vides :-( (les caisses de Bordeaux sont moins solides vides que pleines, comme Marc l'a constaté à ses dépens), on sent ... Un architecte d'intérieur appellerait ça un concept fédérateur, ou un fil conducteur si vous préférez.

Il commençait à se faire tard (20h15), alors, respectueux des traditions, on a commencé avec le vin de Michael. Un blanc sec, très boisé au nez, fruité et un peu perlant en bouche. Mireille a trouvé le nez plutôt "Beurré", et en a déduit que c'était un vin qui avait fait la malolactique, Elle nous a expliqué aussi qu'il y avait peu de soufre, ça je suis pas sûr qu'elle l'ait déduit du CO2 qui restait. On osait trop rien dire, pas passer pour des ploucs tu penses... Le nez me rappelait une cuvée spéciale du château d'Epiré bue en automne, alors quand Mireille a dit que le nez faisait un peu chenin j'ai dit "Savennières" bien vite, bien fort. Mireille a répondu tout de suite "Non, en Savennières il y en a peu qui font la malo". A ce moment-là, Pierre a dit qu'à son avis non plus, c'était pas un Savennières. Il l'aurait pas dit avant, tu penses. Michael a précisé qu'il était très jeune, et Mireille en a déduit 98. Puis elle a risqué un "Mâcon-Clessé". Alain a dit qu'il était d'accord, un peu de fayotage ne peut pas faire de mal. C'est vrai que c'est difficile à trouver, du Barréjats... Marc a décidé que c'était un vin piège, et il s'est mis à chercher des trucs pas possibles, genre Chardonnay poussé sur un terroir à Muscadet. Pierre est tombé d'accord avec Marc sur un chardonnay, juste avant que Marc change d'avis et propose un Rhône blanc (peu de contestation sur "Blanc"), puis un pouilly-fuissé. François a proposé un Givry. En fait c'était un Mâcon-Pierreclos du domaine Guffens, "La Chavigne", 98. Mireille a frappé un grand coup pour commencer. Alain aussi, tout compte fait.

La bouteille suivante était un rouge à la robe claire, dans les tons rubis, amené par François (toujours pas moi). Le nez était fruité, avec un petit arôme "inhabituel" (dixit Alain) en plus, que j'ai qualifié d'animal et chimique. Michael voyait un pinot noir, et moi un gamay du Beaujolais, genre Morgon. Pierre voyait ça dans le Sud-Ouest ou en Cahors. Mireille voyait ça en Gigondas, et Alain a proposé un Côtes du Rhône rouge. Il a eu raison de préciser rouge, ça a déridé Marc qui regrettait son "Blanc" du vin d'avant. Alain a précisé : "Un vin du Vaucluse", histoire de pas dire châteauneuf des fois que Mireille ait raison. Et puis il a changé d'avis et s'est fixé sur Saint-Joseph. Marc hésitait, tergiversait, en tâtonnant vers les Sud-Ouest légers ou les vins de pays des collines rhodaniennes, que je savais même pas que ça existait, avant de s'écrier "Ah non, Syrah nom de djeuuu", et en se tapant très fort sur la cuisse, vu le bruit ça devait être bleu-jaune le lendemain. Est-ce qu'on a idée de s'énerver comme ça, surtout quand c'est pas de la Syrah. Un Givry 1er cru "La Sauleraie" de A.Poncey, à priori ça tape plutôt dans les Pinots noirs, comme le suggérait Michael.

La bouteille de Marc a impressionné dès le départ par son nez ample, fruité. La robe sombre ne donnait pas beaucoup d'indices, à part un gras important. En bouche, c'était d'une finesse, d'un fondu, d'une rondeur extraordinaires. Mais sans faiblesse, encore que quelqu'un ait dit "mou", mais pour l'ensemble des participants c'était plutôt un silence respectueux. Vraiment un très beau vin, genre "La force tranquille", quoi. Personne n'a rien osé dire. J'ai tenté de la jouer psychologue en pensant que Marc était tellement décu d'avoir raté la soirée Côtes du Rhône... Mais honnêtement, ça ne ressemblait pas à un châteauneuf, encore moins à un rhône nord, et je voyais pas ce qui restait comme appellations susceptibles d'offrir une telle finesse. J'ai un peu sondé le terrain du côté de Marc, qui a laissé échapper que c'était pas un Rhône. Du coup ça m'a ouvert d'autres horizons, et j'ai tout de suite eu une idée qui tenait beaucoup mieux la route, ce qui m'a permis de crier "Collioure" juste avant que Marc ne dévoile la bouteille. Quand sa mâchoire est tombée de cinq centimètres, j'ai vu que j'avais bon. En fait, on m'avait dit qu'il y avait des Collioure de cette qualité et de cette finesse, mais j'en avais jamais goûté qui s'approchaient de ça, même de loin. C'était un Collioure "Coume Pascole", Domaine de la Rectorie 95. Si vous en avez, n'hésitez pas, je vois pas comment ça pourrait devenir meilleur.

Ensuite, il ne restait que des liquoreux. Le mien étant à priori plus moelleux que liquoreux, j'ai voulu le servir d'abord. La robe était ambrée, topaze. Le nez de noix intense faisait penser à un vin du jura. Alain l'a trouvé tout de suite "Pas jeune, et un peu oxydé". En bouche, une belle acidité, un bel équilibre (Marc), qui l'a peut-être fait paraître moins sucré qu'il n'était réellement... Mireille l'a trouvé très à son goût, mais m'a confié qu'il risquait d'écraser les liquoreux. Sous-entendu, le Cru Barréjats. J'ai peut-être eu tort, mais je n'ai pas trouvé qu'il manquait quelque chose aux vins suivants. Marc a proposé un Tokaji, Alain aussi, Pierre (le spécialiste local) aussi, et Mireille aussi, en parlant du "nez de Furmint" (orthographe ?), et en proposant un 4 ou 5 puttonyos. Bon, tout était dit. C'était un Tokaji Aszù "Château de Sárospatak", 4 puttonyos, 89. Sont forts, quand même. Moi j'aurais pas reconnu. Je connaissais pas les Tokaji, j'avais amené pour goûter (et aussi pour sortir de France, pour une fois).

Donc on est passés aux liquoreux. On a commencé par celui de Mireille, encore que d'après ce que j'ai compris, il n'y aurait pas de différence notable avec les deux autres. Bon, pas de surprise, on avait tous une petite idée de ce qu'elle avait amené, et on n'a pas été déçus. Un CB 96, carafé 2 heures (carafe fermée). Sans passer par la moquette de la voiture de Michael ce coup-ci. On s'est fait expliquer la différence entre Sauternes et Barsac d'après une spécialiste. Alors voyez-vous, Sauternes c'est vallonné alors que Barsac c'est un plateau, et du coup ça garde plus d'acidité, ce qui fait un vin plus vif. Là-dessus on a goûté le Cru Barréjats 96, essayé de voir en quoi sa vivacité le distinguait d'un Sauternes. Quand on a cru voir quelque chose, on est passé à la bouteille de Pierre.

Avant toute chose, on a évidemment demandé à Mireille si à son avis c'était un Sauternes ou un Barsac, moins pour lui donner l'occasion de briller que pour vérifier si c'était effectivement possible. Elle s'est un peu fait tirer l'oreille pour annoncer Barsac. Alain a dit reconnaître un grand millésime, et a dit à Pierre qu'il avait peur qu'ils aient sorti le même (en fait tout le monde a entendu cette remarque sauf moi). Avant d'annoncer un Lafaurie Peyraguey, ce qui était une manière de tuer le suspense sur la dernière bouteille, et 91 (grand millésime ???). J'ai pour ma part plutôt vu un Filhot 90, pour la couleur, et pour faire contrepoids à Mireille (mais j'ai même pas fait le poids !). C'était un Coutet, donc Barsac, de 90.

Restait la bouteille d'Alain et peu de suspense. Et pour terminer, donc, le Lafaurie-Peyraguey promis par Alain, qui était un 88, avec un nez plus puissant, sur les agrumes (marc) et la poire (moi). Comme je n'avais pas entendu la remarque d'Alain, j'ai essayé de jouer au jeu du Barsac/Sauternes, et cru reconnaître un Sauternes, puisqu'il était plus calme. Marc m'a dit "T'as pas entendu, il a dit ce que c'était". Du coup je sais pas si j'ai raison ou tort, puisque, j'ai honte de l'avouer, mais je ne sais pas si Lafaurie-Peyraguey est sur Barsac ou pas. Pierre voyait ça en 90, moi en 89. Seule Mireille a reconnu le millésime 88.

Ensuite on a plié bagage, Mireille devant se lever très tôt le lendemain (elle n'était pas venue à Grenoble que pour nous, malheureusement), on a arrêté assez tôt.

En conclusion :
- Elle est sympa, Mireille, pis elle s'y connaît pas mal en vin, même en sortant de sa région.
- C'est marrant, de discuter avec les gens sur Iacchos. On imagine la tête qu'ils ont... Des fois on tombe pile, des fois complètement à coté. Mireille, je la voyais pas comme ça. On dirait une Parisienne (A pareu l'accent :-)) !!
- La bibliothèque d'Alain a beaucoup impressionné. Mireille a parcouru quelques ouvrages pour chercher ce qu'on disait d'elle, pendant un moment qu'on a mis à profit pour parler rugby, en bon gros machos.
- Une mention spéciale à Pierre, qui est le seul à s'être rappelé que Mireille aimait bien accorder les vins avec quelque chose de plus raffiné . Le porc à l'ananas qu'il nous a préparé était grandiose, et s'accordait magnifiquement avec le Tokaji et le Cru Barréjats (peut-être aussi avec les suivants mais j'avais déjà tout mangé)
- Une mention à Alain, qui nous a trouvé un foie gras aux truffes (ou l'inverse, je sais plus bien) dont l'étiquette n'a pas fait rire notre invitée de là-bas.
- Michael, rappelle-toi bien ce qu'a dit Mireille : C'est pas beau de transmettre des mails privés à des tiers. Et puis l'Irlande, on les bat quand on veut d'abord. ;-]

Tiens, maintenant que j'y pense, on a bu moins de bouteilles que d'habitude ce soir là. Par contre mon compte-rendu est plus long que jamais. Va falloir que je me calme, en plus que ça prend du temps ces choses là. Notre prochaine soirée se fera avec le prosélyte du layon, le père de Margaux, le rédacteur du site Web de Savennières, j'ai nommé F.S de S lui-même. Faites-nous confiance, on va pas le rater (Et maintenant que j'y pense, il a du style, ce garçon. Il ferait un rédacteur parfait pour le prochain CR). Je termine sans faire de nouveau paragraphe parce que... devinez, mais en tous cas je dis merci à ceux qui ont lu jusqu'au bout, et merci à Alain pour avoir organisé, et merci à Mireille et aux autres pour avoir été là, et j'ai bien mangé j'ai bien bu, merci petit
Jésus.

François