Avril 2000, chez Michael

PAS DE THÈME
Guest Star : Florent Salce

Champagne La Comète , Raymond Boulard, 1986
Condrieu, André Perret 1997
Savennières Clos du papillon, Baumard, 1979
Chinon "Les Grézeaux" , Bernard Baudry 1997
Chinon "La Dioterie", Charles Joguet, 1998
Chinon "Les Varennes du Grand Clos", Charles Joguet, 1989
Madiran Château Bouscassé vieilles vignes 1997
Domaine de Torracia, Oriu 1990
Saint-Georges Saint-Emilion, Château Saint Georges, Pétrus Desbois, 1989
Château Haut Brion 1988
Clos de Tart 1976
Vouvray "Le Haut Lieu", Huet, 1989
Château de Fargues 1989



Les aventures de Florent S. de S au pays des iacchosalpins
*4*
date cr 18/04/2000

Titre bizarre, me direz-vous. Les alpes ne produisant pas (ou si peu) de chenin, et les monstres locaux titrant péniblement à 8 degrés potentiels après chaptalisation, que donc était venu faire "Salce de" à Grenoble ? En fait, il était pas venu nous voir, même s'il a hypocritement essayé de nous le faire croire afin de s'attirer notre indulgence sur ses probables bourdes. Il se trouve que l'homme qui a accolé Savennières à son nom est en fait originaire de Saint-Egrève, banlieue de Grenoble surtout connue pour son asile de f... son CHS, pardon.

Profitant de vacances, vraisemblablement destinées à montrer la petite Margaux 99 à l'ascendance, Florent est donc venu avec sa charmante épouse mettre les pieds sous la table de Michael. Quand il a réalisé que la dégustation se faisait à l'aveugle et que j'étais là pour m'assurer que chaque erreur serait signalée aux 600-700 iacchossiens, il a bien essayé de repartir discrètement, mais a vite réalisé qu'il ne pourrait pas discrètement rembarquer les caisses de vins indigènes qu'il avait amenées des régions encore sauvages, vers le bout de la Loire par là. Du coup il est resté, en prévenant qu'il prendrait ses propres notes histoire de faire un rapport lui aussi. Il s'imaginait peut-être que j'allais le ménager, ou alors c'est pour essayer de sauver ce qui pourra l'être de sa réputation quand vous aurez fini de lire ce mail qui s'annonce long, j'en suis pas encore à la première bouteille.

Les participants étaient donc : Florent, on le saura, Salce de, donc, et Laurence (Salce sans particule). Ils avaient amené plein de bouteilles mais c'était pour dealer, pas pour boire. Ça se passait chez Michael (Lyons), alors il était là aussi, le moyen de faire autrement. Il était accompagné de son épouse, pas irlandaise du tout, Stefania, en fait la seule transalpine du lot, nous on s'appelle iacchosalpins, n'est-ce pas JP Heaume, je sais que c'est un barbarisme et que transalpins ça sonne mieux mais c'est comme ça et puis c'est tout. Il y avait aussi les suspects habituels, Alain (Drillat), Pierre(Payet-Burin), et moi(c'est marqué dessus), plus quelques suspects presque habituels, Marc(Bavay), Philippe (Bourgeois) et Claude (Chapelier), le dernier à n'être pas iacchossien mais c'est juste que comme ça, Pierre lui fait une pré-sélection et comme ça il garde du temps libre pour travailler, malin. On aurait aussi dû avoir Franck Pascal et éventuellement Francis Boulard, histoire de faire contrepoids à Florent et essayer de trouver des thèmes de discussion hors de la Loire, mais ils se sont lâchement décommandés sur le tard...

On était finalement 10, donc en principe 10 bouteilles, selon la loi non écrite. En fait ça a fait un peu plus, le principe de la soirée étant qu'on parlait de vin (évidemment), et chaque fois qu'on mentionnait une bouteille particulière, invariablement Michael signalait qu'il en avait justement dans sa cave, si on voulait goûter... Soit ce gars-là a une cave de la taille de celle d'Auchan à Clamart, soit il aiguillait la conversation... avec beaucoup de subtilité... D'accord avec vous, il doit avoir une sacrée cave. Donc finalement on a eu droit à 13 bouteilles; 4 de Michael, et 2 de Marc si je ne me suis pas trompé. Dont 2 hors concours dès le début, un champagne La Comète 86 de R.Boulard, et un Condrieu 97 de A.Perret. Comme on était pas en configuration de dégustation, j'ai pas pris de notes sur les commentaires concernant ces vins. Je propose que les présents envoient leurs commentaires sur La Comète à Francis.

La première et la deuxième bouteille, honneur aux invités, représentaient le couple Salce. La première était un blanc à la robe très claire, au nez de miel. Très vif en bouche, et pas mal puissant. Assez typé chenin d'après Philippe et moi (philippe voyait un vieux vouvray, et moi un chenin sec mais pas un Savennières). Michael a commencé à dire que c'était pas un chenin, pour finalement proposer un Savennières. Je suppose que c'est de l'humour anglais. Marc était d'accord sur un chenin, mais ne comprenait pas l'acidité importante. Il y a eu une discussion sur cette acidité, que certains trouvaient excessive (moi pas, je m'empresse de le préciser). Claude le trouvait jeune : en se basant sur la robe et l'acidité, difficile de lui donner tort. Michael, Philippe et moi étions d'accord sur la jeunesse (Philippe
avait visiblement changé son fusil d'épaule), Alain lui voyait une dizaine d'années. c'était mieux, mais encore loin du compte. Un Savennières Clos du papillon 79 de Baumard. Énervant, parce qu'avant de passer à table, j'avais dit en voyant la forme de la bouteille (et en me rappelant des posts de Florent) que pour son vin je pariais sur un Clos du papillon. C'était pour me foutre de lui, pas pour le tester sinon j'aurais surveillé sa réaction, la tête qu'il a dû faire valait sûrement le coup.

Les trois bouteilles suivantes ont été dégustées sans en dévoiler aucune: il y avait eu une espèce d'entente entre Florent, Marc et Michael sur les vins 2, 3 et 4, qu'ils savaient être de la même appellation (ce qui semble indiquer qu'ils échangent quelques informations avant les dégustations... M'en vais vous reprendre ça en main, moi...). Mais comme du coup ça mettait hors-jeu trois des participants les plus bavards, on a finalement eu assez peu de commentaires sur ces vins. Vilains tricheurs, bien fait pour eux. ( Les Grezeaux 97, de Bernard Baudry)
Donc, la deuxième bouteille (des époux Salce) était un rouge d'une robe trouble, sombre, dans les tons violacés. Alain lui trouvait de la verdeur au nez. Je ne sais pas si c'était de la verdeur, mais le nez était inhabituel. Animal, a dit Claude. D'accord avec lui. En bouche c'était très fruité (framboise d'après Claude), avec une finale bien acide, qui m'ont fait penser à un Pinot noir. Alain lui trouvait des allures de Sud-Ouest, genre Madiran (mais Michael nous a rappelé qu'Alain partait sur Madiran à chaque fois). Philippe, d'accord sur Madiran, et partant sur du Tannat, proposait Bouscassé. (La Dioterie 98, de Joguet)

La troisième bouteille (Marc), avait une robe plus claire et était servie dans une espèce de vase, genre soliflore, maniable comme une enclume. Le genre de carafe qu'il faut pencher, pencher, et qui se vide d'un coup, un danger de tous les instants pour les pantalons (Marc était en jeans). Très peu de commentaires, donc. Michael le trouvait proche du premier... Les autres, qui savaient pas mais savaient que Michael savait, trouvaient pas ça proche du tout mais bon, puisque Michael savait... Il fallait trouver une appellation qui puisse produire les deux... Philippe s'est risqué à dire "Loire" (Cuvée des Varennes du Grand Clos 89, de Joguet)
La quatrième, toujours de la même appellation, donc, montrait une robe plus sombre. Philippe l'a trouvé plus évolué, plus vieux. Florent a dit reconnaître un 89. Quelqu'un, j'ai pas noté qui, a proposé Chinon, et précisé que le premier et le troisième devaient être de Joguet. A ce moment-là, Florent a poussé un grand "Bîîîîp" pour indiquer une mauvaise réponse, ou alors qu'il n'était pas d'accord, allez savoir ce qu'il savait. Florent a proposé un Chinon de Philippe Alliet 89. On a déshabillé les trois bouteilles. Trois Chinon; dans l'ordre : Les Grezeaux 97, de Bernard Baudry, La Dioterie 98, de Joguet, et la Cuvée des Varennes du Grand Clos 89, de Joguet également. Florent a commencé un petit cours sur les terroirs, en expliquant que les différences importantes venaient de ce que la cuvée "Les Grezeaux" venait de vignes en terrain plat, alluvionnaire, avec des graves, alors que la Cuvée des Varennes était faite avec des vignes en coteaux, sur terrain argilo-calcaire. Merci prof. Au passage (j'ai vérifié), Philippe Alliet, que tu avais cru reconnaître, sa cuvée normale n'est pas élaborée sur des graves ? Je disais juste ça pour relativiser...

La cinquième bouteille (rouge toujours) était à moi, même si c'est difficile à admettre vu l'accueil qu'elle a reçu. Le vin avait une robe très sombre, presque noire. Un nez assez fermé, sur le Cassis d'après Pierre. En bouche, très tannique, même pour ceux qui aiment les vins comme ça. "Pas de prisonniers", a remarqué Michael. Florent, Alain et Philippe l'ont trouvé très jeune. Pas très dur, quand on discutait de l'ordre de passage je l'ai présenté comme jeune et puissant. Marc a reconnu qu'il ne connaissait pas, et qu'il n'avait jamais goûté ça. Florent voyait un Bandol, Pradeaux 96. Michael était d'accord sur Bandol, Philippe pas trop, il voyait plutôt un Madiran. Florent m'a demandé si je cherchais à prouver quelque chose, avec ce vin. Bref, on a enlevé le papier alu, pour découvrir un Madiran, Bouscassé vieilles vignes 97. Tout le monde a crié à l'infanticide. Alors effectivement, c'est un vin qui peut vieillir, mais est-ce qu'il y gagne vraiment (Philippe a fait remarquer qu'il y perdait pas forcément) ? - Il faut voir aussi qu'il passait nettement mieux sur un fromage costaud, et que là on l'a bu tout seul, après trois Chinon. Bon, j'attendrai quelques années avant d'en rouvrir. On m'y reprendra à croire tout ce que me dit mon caviste...

La sixième bouteille (rouge encore), amenée par Marc, avait une robe claire, des arômes d'évolution selon Florent, et beaucoup d'acidité, qui ont fait voir ça en Bourgogne à certains, dont Philippe et moi. Michael ne voyait pas ça en Bourgogne, en tous cas. Ce garçon procède par élimination, c'est parfois long :-) Florent voyait ça dans le Rhône d'abord, puis à l'étranger. J'ai remarqué que Rhône c'était pas bête, parce que c'était la région préférée de Marc. Alain a fait remarquer que Marc parlait beaucoup de la Corse aussi... Il y a eu un silence, on s'est tous regardés, et ensuite tout le monde a parlé en même temps, ce qui fait que j'ai pas tout noté. Michael a proposé Antoine Arena, et pour Philippe et moi c'était pas un Patrimonio. On a regardé : Un Oriu, Domaine de Torracia 90.

La bouteille suivante (rouge toujours) venait de Claude. Un nez très puissant, une robe sombre, dans les tons rubis, et une belle acidité, servie par des tannins assez durs. Il y a eu un consensus sur Bordeaux, initié par Florent, qui voyait ça en Médoc, alors que Michael y retrouvait la rive droite. J'étais pour ma part plutôt dans les Graves. Florent pensait au millésime 93, Alain au 95. C'était un Château Saint Georges 89, appellation Saint-Georges Saint-Emilion, de Pétrus Desbois. Joli prénom, penses-y, Florent, pour le petit frère de Margaux. Au passage, je ne connaissais pas cette appellation. Ça ne ressemblait pas aux Saint-Emilion 89 que je connais.

La bouteille numéro 8 (rouge one more time), en provenance de la cave d'Alain, présentait une robe sombre, et un nez très puissant, très ample. En bouche, une grande rondeur, et toujours cette puissance. Philippe a tout de suite vu ça en Bordeaux. Le fait qu'il reste pas mal de bois lui a fait préciser qu'il était encore jeune (A propos : quand on dit de quelqu'un qu'il est encore jeune, ça veut dire généralement qu'il est tellement vieux qu'il commence à faire sous lui. D'ailleurs généralement c'est la personne concernée qui dit qu'elle est encore jeune. Je sais pas s'il y a les mêmes codes de langage pour le vin). Personnellement je le trouvais très tannique, mais avec des tanins soyeux, ce qui m'a fait penser à un Pauillac à maturité, j'ai proposé 85. Florent voyait un Saint-Julien 90 ou 95, plutôt 90. Michael a proposé 88, sans précisions sur l'appellation. Comme Alain ne tenait plus en place et menaçait de tuer le suspense, on a regardé ce que c'était : Un Haut Brion 88. Hou bê...

La bouteille 9 (rouge all together now), était amenée par Philippe. On a eu une petite explication avant, car Alain et Philippe en avaient acheté un stock aux enchères la veille. Je savais ce que c'était, Alain ayant laissé les cartons traîner chez lui (des cartons individuels, curieux). Ceci dit, j'en avais jamais bu, Philippe non plus, d'ailleurs. Alain a servi avec précaution. La robe était un peu évoluée, claire. Le nez réglissé, d'après Philippe et moi, plutôt sur la fraise d'après Laurence et Claude, la figue fraîche pour Florent, et Animal pour Stefania. Au nez, Florent décide que c'était pas un Bourgogne, plutôt du côté du Rhône. En bouche, il le trouvait plus Bourgogne. Faut dire qu'il avait pas mal de fruit et une bonne acidité. Marc était catégorique sur un Bourgogne, d'un grand millésime ancien. On lui a demandé ce qu'il entendait par "Ancien"... Marc a répondu "au moins 20 ans... je dirais 25". "Quoi, 1925 ?" a demandé Claude... Quelqu'un a proposé 66, puis 59 en Côtes de Nuits.. On l'a arrêté avant qu'il parte dans le précambrien... et on a découvert la bouteille de Clos de Tart 76. Pas loin des 25 ans de Marc. Au passage, la bouteille paie franchement pas de mine. L'étiquette surtout, on dirait un bout de carton avec "Clos de Tart" tapé à la machine... C'est comment, déjà, le proverbe... "Bon vin n'a pas d'enseigne" ou un truc comme ça... Michael a fouillé dans ses manuels, pour trouver l'avis d'un dégustateur anglais dont le nom m'échappe, qui lui avait mis 14,5/20 en 96, en précisant qu'il "manquait d'élégance". Florent a demandé à Michael s'il trouvait que ça manquait d'élégance, lui qui était anglais. On a empêché Michael de le mordre, et pour le calmer Alain a prévenu qu'il ouvrirait un Grande Rue 89 dans 9 ans. Ça tombe bien, on n'avait rien de prévu ce soir-là.

La dixième bouteille (Blanc moelleux. Pas rouge. Non non.) en compétition nous venait de Pierre. Assez clair, avec un nez de poire. A fond, précise Marc. Avec la voix un peu plus pâteuse et un doigt sur le nez, ç'aurait été parfait mais bon, il sait qu'on le surveille. Florent a trouvé du chenin dans le nez mais ne voyait pas ça en Layon, plutôt en Vouvray. Alain était d'accord sur le chenin. Florent est parti sur un grand vin, alors que Philippe n'était pas convaincu, et lui trouvait de l'amertume en finale, en accord avec Alain, qui le trouvait jeune (le vin, pas Philippe). Florent, dont on attendait le verdict, a proposé un vin de Huet, 90 ou 92. Pas si mal, c'était un Haut Lieu 89. Florent, il met le Madiran à Bandol et la Bourgogne à côté du Rhône, mais sur les chenins il est impérial. A transmettre à ses comparses de l'équipe "l'esprit du chenin", le 17 Juin. On risque rien, les autres équipes, à
moins que le championnat ne s'articule autour des vins du Château de Fesles ;-)

Michael, suite à l'insistance d'Alain (qui a pas eu à insister beaucoup) est aller chercher la onzième bouteille, invitée de dernière minute donc, pour conclure. Un blanc moelleux aussi (j'ai appris récemment sur iacchos que "Liquoreux" n'était pas un terme officiel. Donc j'officialise). Michael n'avait pas caché le fond de la bouteille, ou le vin paraissait franchement orange. Peut-être un effet d'optique, il était moins orange dans le verre, plutôt vieil or. Nez de botrytis intense, assez vif en bouche. Sauternes à peu près pour tout le monde. Pour Florent, d'après les cours de Mireille, la vivacité indiquait un Barsac. Une grande richesse en bouche, qui indiquait un grand millésime. Alain voyait ça en 90, moi plutôt en 83, mais pas en Barsac. Florent, l'homme au palais déformé par le chenin, nous a expliqué que l'équilibre d'un Layon, c'est sucre d'un côté et acidité de l'autre, alors que l'équilibre d'un Sauternes, c'est sucre d'un côté et sucre de l'autre. Je sais pas s'il parlait de ce vin en particulier, parce qu'il avait quand-même beaucoup d'acidité, ce De Fargues 89. Très beau.

Mister Lyons menaçant de sortir toute sa collection de whiskies, et tout le monde bossant tôt le lendemain (à part les Saponariens mais la petite Margaux se charge de nous venger), on en a juste goûté 2 et on est partis vers les 2h30, sachant qu'on avait pas mal de route. Trois heures de sommeil plus tard, pas mal à la tête, juste un peu fatigués (Marc a envoyé un mail ou il disait être "tafigué". Effectivement). Faut dire que plus ça va, plus on mange des plats cuisinés à ces soirées, ça éponge un peu. Ce coup-ci, Pierre nous avait concocté une terrine de poisson que je vous dis que ça. Il y avait aussi une soupe de pois cassés préparé par ma tendre et altruiste épouse, plus un Irish Stew de Michael (ça a un nom compliqué mais en fait c'est un style de pot-au-feu), plus un gratin dauphinois à la crème et à la cardamome, je précise parce que d'aucuns pensaient que c'était à la cardamone alors que ça existe même pas) préparée par Philippe. Avec en plus fromages, charcuterie et foie gras, Michael va avoir quelques restes à finir (je pense que pour les fonds de bouteille c'est pas la peine de lui préciser. D'ailleurs il avait mal à la tête le lendemain, lui).

A la bonne vôtre,
François