Janvier 2001, chez Claude

CHABLIS

1er cru "Montée de Tonnerre" 97 du domaine de Vauroux
1999 de Robert Nicolle
1er cru "Sechet" 1993, de René & Vincent Dauvissat
1er cru "Beauron" 199? de Sylvain Mosnier
1er cru "Butteaux" 1992 de Jean-Marie Raveneau
1990, Francine & Olivier Savary
Grand cru "Les clos" 1990, de Dauvissat

Jurançon, domaine Cauhapé - Noblesse du petit Manseng 1994
Marc de Chablis 1991, Francine & Olivier Savary



Les iacchosalpins/potaches/juniors s'essaient au Chablis

Le débat sur les OGM dépassant depuis un bout nos compétences de potaches, on s'est organisé une soirée à thème Chablis, donc, histoire de recentrer le débat, en ce qui nous concerne du moins. Petit comité de torcheurs montagnards de Grenoble où il neige mais pas vraiment. On était donc huit ce soir là, chez Claude, à Domène, petite ville du Grésivaudan, à 10 bornes de Grenoble, en train de se faire phagocyter par la banlieue. Il y avait, ce mardi soir :

- Claude (Chapelier), notre hôte, du coup pour la première fois depuis des lustres il a trouvé le chemin de la soirée (il nous a expliqué qu'on faisait toujours les dégustations le mercredi soir, et que lui le mercredi déguste Bach et Haendel, j'en ai jamais bu, probablement des maisons de négoce.
- Caroline, épouse du sus-cité, qui s'est incrustée à la dernière minute, seule présence féminine de la soirée et donc responsable de nombreux non-dérapages, snif.
- Christian, invité de Claude, l'homme qui trouve que le vin, c'est bon (paroles essentielles, copyright 2001 Christian).
- Marc (Bavay), l'homme qui démolit les portes des trois étoiles michelin, et les chaises des autres. La prochaine soirée il apportera une bûche pour s'asseoir.
- Alain (Drillat), un potache du coin venu dans sa voiture toute neuve pour nous rebattre les oreilles de degrés potentiels de Jaquère même pas modifiée génétiquement. Il a donc une bombonne pleine de jaquère à 15 degrés quatre, qu'il cassera sur ses pieds d'ici quelques jours suivant une tradition récente.
- Philippe (Bourgeois), toujours pas iacchossien, le seul du groupe qui déguste encore avec son nez et pas avec l'inventaire de la cave du copain.
- Pierre (Payet-Burin), l'homme qui veut tirer les iacchosalpins hors de la potachitude, en faisant des soirées pédagogiques, à thème resserré, comme ce soir. Ok, on apprend des trucs mais c'est moins facile de se moquer de quelqu'un qui dit "Chablis" à l'aveugle alors que c'est un Chablis premier cru.
- Michael (Lyons), l'homme qui veut se faire couper en morceaux. Logique pour un irlandais de l'Ulster. Il passe ses soirées à donner à couper des membres que la décence m'interdit de nommer si tel vin est ou n'est pas ceci-cela. Ca n'intéresse personne de le découper (il a déjà perdu plusieurs fois) mais il continue.
- et moi, toujours. Le seul à ne pas avoir apporté de Chablis, je suis un vrai rebelle.

Après une mise en bouche à base de blanc d'Ajaccio 97 (ndlr : domaine Courrèges) , qui avait un nez qui n'a pas plu à tout le monde (Marc le décrivait comme un nez "qu'il a déjà vu sur des vins passés". Ah non, c'est un peu court, jeune homme. Personnellement, j'y voyais de la garrigue. Mais bon, on pouvait dire bien des choses en somme, et j'ai pas de notes sur ce vin, alors je commence le CR au premier Chablis. Celui d'Alain. Michael s'était mis hors concours, informé de tous les vins servis pour décider de l'ordre de passage. Contrairement à Alain sur la soirée Bordeaux, il a su tenir sa langue. Mais on y a perdu ses déclarations péremptoires, où il nous sort après une mûre réflexion, d'un trait l'apellation, le millésime, le producteur et la parcelle, tout ça rigoureusement faux bien sûr.


François se demande quelle *@#?*! il va bien pouvoir placer dans son compte-rendu
Mais pourquoi il me regarde comme ça ?


J'avais révisé avant de venir : Un Chablis se reconnaît à son acidité, son coté minéral, ses arômes de fruits blancs et sa couleur "vert étincelant". Waouh. C'est quoi, vert étincelant ? Bref, j'ai pas trouvé d'émeraudes dans ce premier Chablis. Une robe plutôt jaune paille, un nez boisé (ou de sous-bois d'après Philippe, pour relancer un débat). En bouche, il était pas mal acide, avec toujours ce boisé, un peu trop au goût de Pierre. Il changeait curieusement de goût, en moins bien, sur le saumon fumé. Entre deux craquements sinistres de sa chaise, Marc nous a indiqué que pour lui, c'était un Chablis de base 96, pour l'acidité. Phlippe était d'accord sur la jeunesse, 96 ou 95, mais y voyait un premier cru. Les autres ne se jugeant pas assez experts et n'ayant pas encore assez bu pour se lancer, n'ont pas avancé d'opinion. On a donc enlevé le cache pour découvrir un Chablis premier cru "Montée de Tonnerre" 97 du domaine de Vauroux.



Le vin suivant, proposé par Christian, était nettement plus minéral, au nez et en bouche. Claude y trouvait du silex, pour être plus précis. La robe était franchement claire, et il paraissait plus jeune que le précédent, peut-être du fait de l'absence de boisé. Philippe et d'autres ont proposé 98. Michael et Philippe ont promis d'arrêter de boire si c'était un millésime ancien, et Michael a nous a même proposé sa tête à couper en imaginant intéresser la partie. Christian nous a demandé si c'était ça un Chablis spécifique. Du coup on a discuté sur ce que c'était, un Chablis spécifique. Personne n'était d'accord. J'ai essayé de recaser mon vert étincelant, j'aurai pas lu ça pour rien, moi, Alain parlait de nez de Chardonnay jeune, je sais pas comment il reconnait un vieux Chablis... Incidemment, on a regardé ce que c'était, un Chablis 99 de Robert Nicolle, cuvée de base donc.

Le troisième Chablis, de Philippe, avait lui aussi une robe jaune paille. Un nez puissant, bien ouvert, et une harmonie en bouche qui m'ont fait dire que ça paraissait un peu trop bon pour être du Chablis. Christian a proposé un Premier cru, et moi un grand cru parce que j'avais déjà bu des premiers crus mais jamais rien d'aussi bien. J'ai même proposé 91 parce qu'il me paraissait bien évolué et à maturité. Pierre voyait un premier ou grand cru, jusque-là pas trop de prise de risque, mais dans les 95. Claude était d'accord sur 95, Alain voyait ça plus jeune, 96, et Marc 94, en premier cru. C'était bien un premier cru, mais pas n'importe lequel : 1er cru "Sechet" 93, de René et Vincent Dauvissat. Une très belle bouteille. Marc a commencé à faire la gueule à l'idée que son Chablis allait passer derrière. Michael lui a même signalé qu'il allait passer longtemps après.


ni Alain ni Michael n'ont voulu lâcher la bouteille de Séchet 93

C'est le vin de Claude qui a eu le redoutable privilège de passer derrière. Premier nez très surprenant, ressemblant à rien de connu. On peine un peu à mettre un nom dessus jusqu'à ce que Philippe mette le doigt dessus : un nez de yaourt. Effectivement, une fois qu'on l'a nommé c'est évident. Je propose un Chablis de chez Nestlé (trop d'acidité pour un Danone). Pour Marc ça doit être un Chablis normal (de base quoi) de 91 ou 92. Philippe voit pas un premier cru non plus, et pour Pierre ça serait plutôt 93 ou 94. En tous cas ça passe très bien sur une superbe tarte à la truite (saumonée) concoctée par Christian ou plutôt par madame qui n'est pourtant pas venue. On a donc dévoilé ce 1er cru "Beauron" de Sylvain Mosnier. Claude nous a signalé que ce nez de yaourt était caractéristique du producteur.

Le cinquième vin, amené par Michael, se distinguait par une minéralité importante, et une attaque encore pas mal acide malgré des notes de début d'évolution. Marc trouvait le nez bien typé chardonnay, avec des notes briochées. Il proposait 90, ou 88 pour la trame acide. On a pas mal attendu qu'il s'ouvre, faut dire qu'il était bien froid. Du coup on a rapatrié quelques bouteilles du sas d'entrée où il faisait pas si chaud. Pierre et Christian trouvaient le vin "bon". Une information à conserver, ça devrait nous aider pour les prochaines dégustations. Alain proposait un millésime moyen d'un bon producteur, ce qui est pas mal tombé : 1er cru "Butteaux" de Jean-Marie Raveneau, 92 pour l'année.


chaleureuse soirée = buée sur l'objectif !

Vin numéro six, de Marc, et première surprise : le vin, d'une jolie couleur or pâle en carafe (un décanteur assez étroit) perd toute sa couleur en verre, pour devenir limite pâlichon. Le nez est bien ouvert, fruité (pamplemousse selon Philippe). J'y trouve un peu de sucre résiduel pour équilibrer l'acidité, ce qui est plutôt confirmé par les impressions des convives. Une petite amertume en fin de bouche. Dans l'ensemble, un vin assez harmonieux, rond, très loin de l'idée qu'on se fait d'un Chablis. Pour Marc, ça vient du fait que ce vin est le seul de la soirée à boire maintenant. Protestations indignées de Philippe qui défend son Dauvissat. On a droit à une belle démonstration d'Alain qui annonce comme millésime, sûr de lui, un "96" claironnant. Marc fait un bond sur sa chaise, qui, plus solide que la précédente, tient le coup, et demande d'une voix étranglée "96 ???" - Alain, sans se démonter, nous sort "Bon, 90 alors". Je propose 89, pour la rondeur, en premier cru, vu que je viens d'apprendre que 88 et 90 sont acides, et Philippe propose plutôt 94, toujours en premier cru. Vous savez ce que c'est, on boit une série de premiers crus et on se laisse emporter... C'était un Chablis tout ce qu'il y a de base, de Olivier Savary, 90. Marc voulait montrer qu'un Chablis de base prenait 10 ans sans problème.

Vin numéro sept, dernier Chablis, en principe le meilleur si Michael a fait les choses correctement, et justement c'est celui de Pierre ce qui est plutôt bon signe. Philippe trouve le nez dans la lignée du précédent (pamplemousse donc), ce qui de l'avis d'Alain doit correspondre à la signature du millésime. Vif en bouche, et pourtant d'une grande finesse, sans le sucre résiduel du précédent. Fermé aussi et visiblement bien trop jeune (toujours d'après Philippe). Bon, alors c'est un casse-tête. On sait que c'est bon mais c'est tellement fermé qu'on peut rien dire. Alors on lance, moi un "grand cru 90", Marc un "grand cru 88". Marc se demande à quoi ça ressemblera dans 10 ans, qu'il suppose l'apogée. En fait, comme le vin se livre peu et qu'il a une bonne acidité, à mon avis dans 10 ans il aura pas bougé. Faut plutôt le carafer un bout à l'avance, AMHA (à tes souhaits). Donc,pour tuer le suspense, on ouvre : Grand cru "Les clos" 90, de Dauvissat, encore.

Histoire de varier un peu les plaisirs, le liquoreux que j'ai amené n'est pas un Chablis. Parce que le Chablis, ça va pas avec des tas de plats, et pas trop avec les desserts. La bouteille de forme bordelaise donne déjà une direction générale. La robe est or pâle, un beau nez d'après Philippe, qui élimine d'emblée le chenin, en tablant à priori sur Sauternes, peut-être en 90. Christian part sur un pacherenc, pour se raviser ensuite : les pacherencs ne sont pas si moelleux. Alain est surpris par le côté fumé, et élimine Guiraud 83. Il triche, il sait ce que j'ai en cave. Enfin, il croit savoir. Claude table en tous cas sur Sauternes, et justement aurait bien vu Guiraud pour le côté épicé. Pour Michael, c'est pas un sauternes, il verrait bien un Jurançon. Pierre aussi pense à Jurançon. Pour Marc, le nez de cendres est typique du botrytis, et puis il n'y a pas assez d'acidité pour un Jurançon ou un Pacherenc. Enfin un argument étayé. C'était bien évidemment un Jurançon, domaine Cauhapé - Noblesse du petit Manseng 94.


eh oui, c'est bien un Jurançon !

Pour terminer la soirée sur une réminiscence, Marc nous a ouvert un homonyme (un marc, quoi) de Chablis 91 de Savary. Difficile de retrouver une typicité de Chablis au milieu de tout cet alcool et de ce bois. Je sais pas si c'était comparable avec la fine de la Romanée-Conti dégustée chez Veyrat par certains. Puis on a joué aux grands enfants sur le baby-foot des petits Chapelier, j'espère qu'il est toujours en état, histoire de montrer aux irlandais présents qu'il y a encore des domaines ou un transfuge du Shannon ne vaudra jamais les p'tits gars de chez nous.

   

En conclusion, ils sont pas joueurs, les iacchosalpins. Si j'avais pas eu envie d'amener un liquoreux, je suis sûr de ce que j'aurais amené (en fait la bouteille était pleine au cas où il y ait eu un véto sur les pas-Chablis) : un vrai Chardonnay de Bourgogne, mâcon ou Beaune, pour voir à quelles nues ils auraient porté ça. Ben là, ils ont tous amené du Chablis alors que je me demandais s'il y en aurait un seul. Conclusion corollaire : J'ai peut-être des a-priori excessifs sur le Chablis...

François.