Vins Dupéré-Barrera
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Visite au chai, Toulon samedi 02 juin 2001
M'est avis que je ne vais pas battre des records d'objectivité avec ce CR. D'abord parce que cette visite à Toulon m'a sauvé mon week-end de l'ascension, mais surtout parce que j'affectionne ce type de vins.
Les noms d'Emmanuelle Dupéré-Barrera & Laurent Barrera et leurs vins ne sont plus des inconnus pour de nombreuses personnes maintenant, et je n'ai pas envie d'enfoncer des portes ouvertes. Mais la qualité des vins et de leur accueil m'ont donné envie d'en parler. Patrick Chazallet et Jean Philippe Heaumé les connaissent depuis quelque temps déjà, et la cuvée "en caractère" au catalogue du différentiel donnait envie d'en savoir plus, beaucoup plus. J'ai donc passé un petit coup de fil dans l'après-midi, et coup de chance, E&L étaient là, prêts à goûter les 2000 sur fût ...
Les commentaires qui suivent ne reflètent que mon sentiment. Ils sont succins, d'autant plus que les fiches techniques détaillées sont disponibles .

Emmanuelle & Laurent Barrera ont investi la salle à manger, muré les baies vitrées
installé la clim, ... l'ère des vins de garage est révolue !
Les raisins peuvent être achetés à tous les stades. Certains sont "achetés" sur pied, E&L ont ainsi un contrôle plus important sur le produit final, d'autres sont sélectionnés en sortie de vinification. Cela dépend des vins et des relations que E&L entretiennent avec les vignerons. Nous sommes en présence de vins d'artisans passionés, enthousiastes, particulièrement respectueux et attentifs au terroir et au raisin, et compétents d'un bout à l'autre de la chaîne : Laurent était ingénieur géologue, et Emmanuelle titulaire d'un BTS viti/vini à Bordeaux, si ma mémoire est bonne. Ils élèvent tous les vins ensemble ce qui donne lieu selon leurs propres dires à des discussions parfois serrées.
Tous les vins sont élevés en barriques de 225 L déjà avinées (2 vins en général) des Thalès et surtout les blended de chez Bardoux, considérant l'influence de la qualité du grain supérieure à celle de l'origine du bois.
Les mises sont réalisées sans pompage par gravité à la tireuse à 4 becs en fonction des influences lunaires et climatologiques. Faut-il y voir une relation de cause à effet, il semble que leurs vins soient moins sensibles à la maladie de la bouteille. J'ai personnellement regoûté le vin de pays des Maures (mise 13/05/01) et la cuvée en caractère 99 le lendemain du transport (500km de voiture) après séjour de 48h dans un coffre de voiture en camping (je postule pour le Guiness book...), et pas de pb.
Vous pouvez d'ailleurs lire leur "cahier des charges pour un vin sauvage" sur le site de l'Avenir du vin, qui date de fin 1999, et qui ressemble fort à un manifeste ... http://www.multimania.com/vin/bulletin/9912d.htm
Artisans, car la production est plus que confidentielle : ça oscille entre 300 et 1200 bouteilles, suivant les cuvées.
Un style se dégage nettement, conséquence de ces convictions fortes : un fruit toujours très présent, souvent éclatant, même 24h après l'ouverture, de la chair, qui habille la structure et donne cette sensation de plénitude en bouche, les tannins présents mais soyeux, aucune agressivité, cette gourmandise qui donne envie d'en reprendre un verre, parce que le vin est d'abord fait pour être bû ... Ces vins sont immédiatement accessibles, structurés et chaleureux mais équilibrés et harmonieux, et oserais-je le dire, très difficiles à recracher (alors Michael & Alain, il paraît que je ne recrache jamais ?).
Et la garde potentielle me direz-vous : ce à quoi Emmanuelle répond en forme de boutade :"pourquoi attendre 10 ans un vin qui sera peut-être une déception ?" Evidemment c'est un peu provo, mais c'est aussi vrai. Nul doute que plusieurs de leurs vins ont un potentiel indéniable (cf le CDR villages 2000), mais E&L n'en font pas une préoccupation principale (c'est mon impression uniquement).
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Les vins
Vin de pays des Maures 2000 (bouteille, mise 13-05)
Un assemblage merlot / syrah, à proportions à peu près égales (40/60). Robe déjà sombre pour le 1er vin de la gamme. Fruit très mur, vin souple et rond (merlot ?). Syrah vinifiée par E&L pour justement rehausser la structure. Longeur moyenne mais fruits rouges et épices douces au nez, bouche équilibrée. Bon début.
Côtes de Provence Rouge AOC "St-Sacrement" 1999 (bouteille)
Le grand frère de la cuvée "en caractère" (mais pas de carignan et cinsault). Le nez semble encore plus mûr, épicé, le boisé est peu perceptible. Bouche pleine, les tannins souples tapissent la bouche. Assurément un beau vin de repas qui répondra aux plats du sud.
Coteaux du Languedoc AOC 2000 (fût)
Très surprenant dans le sens où il est très rond, pas de tannins agressifs, mais une grosse matière. E&L l'expliquent par une récolte en limite de surmaturité (phénolique) mi-octobre, vendange totalement éraflée, longue macération. Et encore plus surprenant, avec tous ces attributs, ce vin n'est pas alcooleux malgré ses 13°5. Son terroir se situe au nord de Pic St Loup, sur un plateau à 300m d'altitude, et cette situation permettrait à la syrah (90%) de trouver un équilibre entre les qualités des rhônes nord et des syrah du sud.
Côtes du Rhône AOC 2000 (fût)
Un vin "costaud" sur les fruits rouges, assez éxubérant, encore sans tannins agressifs, beaucoup de chair.
Côtes du Rhône Villages AOC 2000 (fût)
+ de syrah que le précédent. Egalement + de tannins et de structure, alcool aussi apparemment, mais fondu, on ne le sent pas comme ses 14°8 pourraient le faire penser. Un bel exemple d'harmonie musclée et fruitée.
Costières de Nîmes AOC 2000 (fût)
Nez sur la réserve, une structure imposante, du gras, un vin riche en couleur et en fruit qu'il va falloir attendre un peu. Un cousin du CDR villages
Châteauneuf-du-Pape AOC 1998 (bouteille)
Provient de très vieilles vignes. un nez très séducteur, fruits cuits, pruneaux (grenache 85%), que je ne connaissais que chez les ch9 évolués. Robe assez claire, en bouche légers tannins, étonnamment fondu because 24 mois de foudre chez le vigneron, et 2 mois de barriques chez E&L. Bref pas un monstre, mais ira jouer dans le style élégamment structuré, complexe & séducteur. Selon E&L, il devrait se garder encore 5/6 en restant à son avantage.
Bandol AOC 1998 (bouteille)
Egrappé à 50%, 85% de mourvèdre
encore un vin structuré avec des tannins présents mais fins. Pas un monstre non plus, ça joue plus sur la finesse, voir la fiche technique. Une curiosité : je ne sais pas si c'était l'heure tardive, mais le premier et le second nez m'ont semblé identiques, et je n'avais jamais remarqué ça encore dans un vin.
Vin de Pays du Mont Caume 2000 (fût)
100% mourvèdre, 2 parcelles distinctes :
parcelle orientée sud, sol pauvre : récolté à maturité phénolique. nez très chaleureux, une bouche un peu turbulente, ça part dans tous les sens
parcelle orientée nord, sol argileux : nez plus profond ("3D" !), fait penser à la syrah , bouche plus tempérée.
Le 2ème semble pouvoir faire un superbe vin à lui tout seul, mais E&L semblent s'orienter vers un assemblage
VDN Rivesaltes AOC "V.V.V" 1998 (bouteille 50cl)
3ème fois que je le goûte en 1 mois, et toujours impressioné par la combinaison d'un fruit explosif, d'une chair veloutée, de l'absence de "brûlure" de l'alcool des vins mûtés.
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